Les développeurs et le besoin métier

Développer est une tâche complexe, maintenir et faire évoluer un projet existant l’est aussi.

Une mauvaise qualité de code a de nombreux impacts négatifs : un nombre d’anomalies et de régressions affolantes, des coûts et délais exponentiels à chaque évolution, un manque de performances, voir une solution qui ne répond pas aux besoins. Le tout en sapant progressivement le moral des développeurs qui ont le malheur de travailler dans ces conditions.

Un problème de code

Le mauvais code peut prendre de très nombreuses formes, mais on retrouve souvent certaines caractéristiques :

  • Redondance
  • Faible consistance et absence de norme
  • Forte complexité cyclomatique
  • Fortes dépendances
  • Design chaotique
  • Ne révèle pas les intentions métier

Toutes ces caractéristiques rendent le code extrêmement difficile à lire et à comprendre. Comment déterminer ce que fait le programme en lisant le code ? Comment localiser une fonctionnalité ?

Un autre problème majeur est le turnover parmi les développeurs qui peut générer d’importantes pertes de connaissances s’il est mal anticipé : vous êtes parfaitement incapables de faire un lien clair entre un besoin, une fonctionnalité et son implémentation.

Dès lors, la moindre modification se fait à taton avec son lot de souffrance : effets de bords, incompréhension du code, régressions, etc…

Documenter, spécifier, recommencer

Une solution envisagée est de produire d’importantes quantités de documentation et de spécifications. C’est par exemple le parti pris des projets réalisés en cycle en V. L’idée est d’analyser le besoin et conceptualiser la solution à produire avant les développements.

cycle-en-v
Le premier problème est que plus une erreur est introduite tôt dans ce processus de documentation, plus les documents qui en découlent sont erronés.

  • Le périmètre doit donc être figé, sinon :
    • Les documentations sont très coûteuses à maintenir.
    • Les documentations deviennent rapidement obsolètes.
  • Les spécifications doivent êtres :
    • complètes
    • cohérentes
    • correctes
    • sans ambiguïté
    • réalisables

En principe, les développeurs ne réalisent que la conception détaillée, cette solution comporte plusieurs inconvénients majeurs :

  • L’architecture est imposée aux développeurs, et peut ne pas être adaptée.
  • Les développeurs sont focalisés sur les aspects techniques de l’application.

Le développement logiciel est une activité non-déterministe, par conséquent dans la très grande majorité des cas les développeurs rencontreront ces difficultés : aucune spécification ne peut être parfaite, il faut donc savoir improviser. Étant limités à une vision purement technique du projet, ils ne savent y répondre que par des solutions techniques sans aucun sens. Au fil du projet, ceci pollue de plus en plus le code et génère des deltas qui invalident progressivement les documents de référence. Un code illisible, une spécification qui ne correspond pas : vous avez de nouveau perdu les connaissances sur votre projet.

Le code, la seule vérité

S’il existe une vérité, c’est bien celle du code. Peu importe ce qui est écrit dans votre spécification, votre ordinateur appliquera ce que votre code lui dicte : le code fait foi, il est lui même la spécification la plus détaillée et la plus précise de votre programme.

Alors pourquoi ne pas l’utiliser comme tel ? Pourquoi ne pas s’efforcer à produire du code facilement compréhensible, facilement modifiable ? C’est pourtant ceci qui caractérise un code propre. Si celui-ci est expressif, alors n’importe qui (même une personne qui n’est pas développeur) peut le lire et comprendre les actions réalisées. Il est généralement accompagné d’un ensemble de tests unitaires qui expriment chaque cas géré.

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On peut voir le métier de développeur de beaucoup de manières différentes, il est souvent comparé à celui d’artisan (software craftsman), je le vois également comme un rôle de traducteur. Quand j’écris du code, je traduis dans un langage compréhensible pour ma machine un besoin qui m’a été exprimé dans un langage qu’elle ne comprend pas.

Mais expliquer quelque chose que l’on ne comprend pas soi-même est insensé. Il est donc primordial que les développeurs comprennent ce qu’ils développent, d’un point de vue technique, mais aussi d’un point de vue métier.

Améliorer la qualité

Pour écrire du code de qualité, il faut faire attention aux comportements, ne pas se contenter de quelque chose qui marche :

“How it is done is as important as getting it done.” Sandro Mancuso

Il est donc nécessaires de maîtriser et appliquer avec rigueur certaines pratiques et principes : TDD, SOLID, SRP, KISS, etc. Lire des livres tels que Clean Code de Robert C. Martin sont une bonne façon de les aborder.

Il faut ensuite travailler sur l’expressivité du code, du design. Est-ce que ma classe représente une notion métier ? Est-ce que ma méthode exprime une action métier ou technique ? Bien entendu, certaines problématiques restent purement techniques, mais elles doivent être les plus discrètes possibles dans le code en étant masquées derrière des interfaces dédiées.

Pour être expressif, encore faut-il savoir quoi exprimer. La meilleure façon est de s’intéresser au métier du logiciel. Discutez, même de façon informelle, avec l’utilisateur final, avec le product owner, avec l’expert métier : N’importe quelle personne pouvant vous aider à comprendre le problème auquel vous apportez une solution.

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Une fois que vous aurez compris le métier de vos interlocuteurs, vous serez capables d’échanger facilement avec eux, de challenger leurs besoins. Vous pourrez retranscrire les connaissances acquises dans votre code, celui-ci deviendra alors plus compréhensible, ses intentions seront beaucoup plus claires. En cas de doute, vous saurez également vers qui vous tourner pour répondre à vos questions.

Quelques méthodes

Il existe divers pratiques pour améliorer la compréhension métier des développeurs, et ainsi la qualité du code produit.

Adopter un fonctionnement agile est le premier pas. Ces méthodologies permettent de rapprocher développeurs et clients dans le but de faciliter dialogues et feedbacks. Mettre en place ce fonctionnement est un pré-requis à un certain nombre de méthodes de conception et de développement.

Le BDD (Behavior Driven Development) est une pratique intéressante à mettre en place. Il s’agit d’une variante du TDD qui met en avant le langage naturel et les interactions métier au travers de features découpées en scénarios d’utilisation. Idéalement, la rédaction de ces scénarios doit se faire avec un expert métier ou un product owner. Le développeur comprend alors clairement ce qu’il développe, et peut s’appuyer sur les notions, le vocabulaire employé dans ces features pour désigner son code. Cette pratique permet également l’émergence de l’Ubiquitous Language.

Enfin, le Domain-Driven Design. Il a été formalisé pour la première fois par Eric Evans dans son blue book qui présente un ensemble de patterns tactiques et techniques. Ces patterns couvrent l’ensemble du cycle de vie d’un projet : des méthodologies pour comprendre et représenter un métier, des choix d’architecture, de design, etc. L’idée est de produire une architecture qui présente de manière pratique plus que purement exhaustive les différents composants et interactions d’un domaine. Les points de complexité d’un logiciel doivent alors êtres des points de complexité métier et non techniques. L’arrivée de nouvelles pratiques comme l’event storming, ou d’architectures logiciel comme CQRS/ES découlent directement du DDD.

Pour quels résultats

Dans mon équipe actuelle, nous nous efforçons chaque jour d’appliquer ces principes et ces méthodes avec rigueur. Les bénéfices de ce travail se ressentent petit à petit.

La qualité de notre code augmente, le nombre d’anomalies est quasiment nulle. Étant bien découplé, et ainsi ne souffrant pas d’une forte complexité, notre code est également évolutif et peut subir rapidement des modifications qui peuvent être majeures.

Notre code fait foi : en cas d’un doute sur une question métier, le réflexe de tous (même celui du product owner) est de regarder le code. Nos documentations ne servent qu’à formaliser les futurs développements, et dans de rares cas à s’assurer qu’un morceau de code est bien conforme.

Merci à Ouarzy et Nadège pour leurs retours.

Les développeurs et le besoin métier

Le mutation testing

J’ai récemment lu un article de l’oncle Bob Martin, il y expose sa découverte du mutation testing et semble très enthousiaste à ce sujet. J’ai donc décidé d’essayer un outil pour mieux comprendre cette démarche.

Le principe

Aujourd’hui, beaucoup de projets sont réalisés en appliquant le TDD. Développer en appliquant le test first permet d’être sûr que l’on écrit uniquement le code nécessaire pour rendre un test valide.

Cependant, certains reprochent à cette méthode de mettre en évidence la présence de bugs, et non de démontrer l’absence de bug : un test qui échoue montre qu’il y a une anomalie, mais une anomalie peut exister sans qu’il n’y ait de test pour le montrer.

L’idée du mutation testing est de créer des mutations sur le code testé. Un outil analyse le code couvert par les tests puis génère des mutants : Mes tests sont-ils toujours vrais si je modifie cette condition ? Et si je ne fais pas d’appel à cette fonction ? Un mutant peut avoir deux états : mort ou vivant .

Les mutations peuvent prendre diverses formes : la modification d’une limite conditionnelle (< devient <=), l’inversion d’une condition (== devient !=), la suppression d’un appel à une méthode, etc.

Un mutant mort montre qu’au moins un test échoue si l’on modifie le code, on peut donc en déduire que les tests protègent bien le code contre les régressions. Un mutant vivant montre que tous les tests passent malgré une modification du code. Le mutation testing peut ainsi révéler que le code est mal protégé contre les régressions, il peut s’agir d’un problème de design ou alors c’est la qualité des tests qui peut être remise en cause.

Exemple

Pour mon exemple, j’utilise VisualMutator qui s’intègre directement dans visual studio.

Cas initial

Ici, je teste de manière laxiste une simple méthode qui me dit si mon objet Sequence contient un seul élément. Voici une première solution :

mutationtesting1

mutationtesting2Mutations

Après une première session de mutation sur mon code on constate des faiblesses dans mes tests :

mutationtesting3

Le mutant LessThanOrEqual me montre que je peux modifier ma condition tout en gardant mes tests valides. Je le constate bien si j’applique cette modification (< 2 devient <= 2).

mutationtesting4

Je peux ici rejeter la faute à mon dernier test qui fournit une liste de trois objets. Une fois corrigé je peux relancer un test par mutation :

mutationtesting5

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On constate bien cette fois que la mutation LessThanOrEqual n’est plus vivante. Mais cette fois ci le mutant NotEquality reste vivant, il me manque donc clairement un test.

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Cette fois ci je constate que mes mutants LessThanOrEqual et NotEquality sont tous les deux tués par mes tests.

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L’utilité

Cette approche est clairement faite pour tester la robustesse des tests plus que le code en lui même. Elle permet de mettre en évidence les limites de notre jeu de tests, et ainsi la présence de potentielles anomalies non identifiées. En d’autres termes : Est-ce que je peux faire confiance à mes tests ?

Je ne suis donc pas convaincu que le mutation testing apporte une grande plus-value si le TDD est appliqué avec rigueur. J’avoue ne pas avoir su produire de mutant vivant sur un premier exemple écrit de cette manière.

Cette approche est donc beaucoup plus intéressante pour la gestion de legacy. Avant d’y apporter des modifications, mieux vaut écrire des tests pour se protéger contre les régressions. N’importe quel développeur ayant réalisé cet exercice sait qu’il s’agit d’une tâche complexe et qu’il est parfois difficile d’identifier tous les cas gérés. Utiliser le mutation testing peut facilement mettre en évidence ces cas non identifiés.

L’inconvénient

Il faut tout de même avoir conscience que cette méthode se révèle extrêmement coûteuse comparée à de simples tests unitaires. Il faut considérer le temps passé à l’analyse du code, à la génération des mutants, ainsi qu’à l’exécution des tests pour chaque mutant, ce qui peut prendre plusieurs heures sur un projet conséquent.

De manière grossière, imaginons un projet de 200 classes avec en moyenne 5 mutants par classe et un jeu de tests complet qui est exécuté en 30 secondes. On obtient :

200 * 5 * 0.5 = 8h20 (500 minutes)

Les tests utilisant la mutation ne peuvent donc pas être joués de manière systématique comme le sont les TUs. Il est selon moi beaucoup plus intéressant de l’appliquer de manière ponctuelle sur des régions ciblées du code.

Merci à Nadège pour sa relecture.

Le mutation testing

Les tests, contre vents et marées

Connaissez vous la bernache nonnette ?

Bernache
Il s’agit d’une espèce d’oie vivant principalement dans les îles arctiques. La bernache est exclusivement végétarienne, et ce dès sa naissance. Le problème, c’est qu’elle a pour habitude de nicher au sommet d’une falaise pour se protéger elle et ses œufs des prédateurs terrestres. Les oisillons ne sachant pas voler avant l’âge de 40-45 jours, il faut que ceux-ci puissent descendre de la falaise pour se nourrir.

Un grand saut

Pour ce faire, les parents se placent en bas la falaise et appellent leurs petits jusqu’à ce que ceux-ci, guidés par leur instinct, se décident à sauter dans le vide. La chute est pour le moins impressionnante, parfois sur plus d’une centaine de mètres avec un éboulis en contre bas. Malheureusement tous n’y survivent pas, certains font une mauvaise réception, d’autres continuent à dévaler la pente avant de s’arrêter. Les rescapés sont quant a eux sonnés pendant quelques temps, ce qui relève déjà de l’exploit compte tenu de l’impact auquel ils viennent de résister.

SautVide

Replaçons nous maintenant dans un contexte de développement logiciel. Vous êtes un développeur travaillant sur un projet professionnel. Votre manager / client (rayez la mention inutile) a une influence préjudiciable, en effet il vous pousse à produire rapidement en négligeant les bonnes pratiques. Qu’allez vous faire ?

Avancer sur un projet sans bonnes pratiques, c’est comme sauter dans le vide quand on ne sait pas voler : vous ne maîtriserez rien, vous vous contenterez de subir (je reviens sur ce point plus bas). Avec de la chance vous en viendrez tout de même à bout, mais dans tous les cas cela se fera dans la douleur.

Une progression maîtrisée

Je suis un développeur passionné, qui éprouve un réel plaisir à produire des applications de qualité. J’ai donc énormément de mal à m’imaginer être obligé de sacrifier mes bonnes pratiques au nom d’une soi-disant productivité.

Il y en a une qui, selon moi, doit être utilisée pour n’importe quel projet : les tests unitaires. L’application du TDD associé à un processus d’intégration continue me semble indispensable. Le but est simple : les développeurs ont un feedback le plus rapide possible à chaque opération menée sur le code source. Cela permet de maîtriser le périmètre de l’application au fil de son développement, et ainsi de le faire évoluer sans dégrader l’existant.

Pour faire un parallèle avec notre bernache, utiliser les tests unitaires revient à choisir la cage d’escalier plutôt que la chute libre sans parachute. Vous descendez la falaise palier par palier, avec des états intermédiaires stables. Cette solution est beaucoup moins douloureuse pour tout le monde..

Oui, vous étiez déjà convaincus, mais pourtant vous ne le faites pas. Je vous vois venir…

Mes managers ne veulent pas des tests

On ne va pas se mentir, les miens n’étaient pas convaincus non plus, ils ont fini par changer d’avis. Mais finalement, pourquoi ?

“Parce qu’écrire les tests ça fait perdre de temps.”

On a tous déjà entendu quelqu’un tenir un discours de ce genre. Il peut vous sembler absurde, mais il a réellement du sens pour celui qui le prononce. En fait ces personnes n’ont pas toujours conscience des problématiques d’une équipe de développement. Un logiciel se résume pour eux à des fonctionnalités qu’il faut implémenter en évitant au maximum les anomalies. Ils ne voient que la partie émergée de l’iceberg, vouloir travailler avec des tests peut donc ressembler à un “caprice de développeur”.

ValeursLogiciel

Contrairement à ces personnes, si vous souhaitez travailler avec des tests, c’est que vous avez compris les véritables enjeux de telles pratiques. Vous avez conscience qu’une bonne architecture vous permet d’avancer de manière efficace, en conservant une souplesse de travail et une facilité à maintenir l’existant. A l’inverse, plus le code legacy s’installe dans votre projet, plus votre travail va devenir complexe, et par conséquent vos taches vont devenir de plus en plus longues.

En fait, si vous souhaitez faire accepter les tests à des personnes qui n’en veulent pas, il faut leurs faire comprendre l’influence du code legacy.

Le code legacy

Pour faire court, le code legacy est du code qui n’est pas testé, que vous ne comprenez pas et/ou dont vous ne maîtrisez pas les effets de bord. Un de mes collègues le définit aussi comme le code que l’on a peur de modifier.

PierresEquilibre

On peut voir mes pierres comme un legacy, l’équilibre de la structure est des plus précaire. A la moindre modification que vous allez tenter, vous ajouterez un peu plus de legacy à celui que vous subissez déjà, tout en risquant de voir le l’ensemble s’effondrer. Plus grave encore, vous ne serez pas capable de mesurer les effets de bord produits par vos modifications. Vos développements seront donc de plus en plus longs, de plus en plus difficiles et source de plus d’anomalies. Vous subissez véritablement votre projet, vous êtes pris dans un cercle vicieux.

TestsVicieux

C’est pourquoi l’argument “les tests ça coûte du temps” n’est pas recevable. Oui, pris de manière isolée, un test a un coût. Mais nous les écrivons pour valider des comportements et protéger notre code contre les régressions. Si vous écrivez des tests, vous vous affranchirez donc du code legacy puisque vous maîtriserez ce qui est codé. Cela vous donne également la possibilité de faire du refactoring.

Le refactoring

Encore un gros mot qui fait peur à votre manager. Pourtant le refactoring est essentiel dans la vie d’un projet, surtout si vous souhaitez tendre vers une meilleure architecture.

Le refactoring, c’est comme le code du boy scout. Si je vais camper quelque part, alors je m’assure de laisser cet endroit propre en le quittant. Je ramasse donc mes déchets, mais aussi ceux des gens qui sont passés avant moi. Dans une application, le but est donc de toujours rendre le code plus lisible, l’architecture plus souple, le modèle plus explicite… Le comportement du code que je vais modifier étant protégé par les tests, je peux faire mes modifications sans risque de régression.

Tous les refactoring n’impliquent pas des modifications majeures, en fait, c’est même le contraire. Il peut s’agir d’actions très simples comme renommer une propriété, supprimer une dépendance inutile, etc. On parle généralement de micro-refactorings, ils prennent peu de temps s’ils sont menés tout au long du projet, de manière complètement informelle, dés qu’une opportunité se présente.

Un refactoring majeur implique généralement une évolution d’un concept clé dans l’architecture. Elle se fait soit pour répondre à une évolution du métier, soit pour éliminer un problème de conception. Ils ne sont donc pas systématiques.

L’application des tests est donc vertueux pour un projet. Il vous permet de ne pas souffrir du code legacy et vous donne également les moyens d’améliorer votre architecture. Vous gagnez en temps et en qualité !

TestsVertueux

Mon client ne veut pas payer pour des tests

Ce n’est pas bien grave puisque votre client a un besoin. Le logiciel qu’il vous demande doit y répondre, bien y répondre même puisque qu’il a une valeur ajoutée pour votre client. Finalement, la façon dont vous travaillez ne le concerne pas, alors pourquoi se contraindre avec ce qu’il veut ? S’il est soucieux de la qualité de son produit, vous pouvez valoriser vos pratiques. Dans le cas contraire, vous pouvez juste “omettre” d’en parler. D’autant plus que nous avons vu que les tests n’augmentent pas les coûts.

Si vous souhaitez tout de même lui faire accepter, alors faites lui voir le développement logiciel comme de l’artisanat : du Software Craftsmanship. Ce qui a du sens, on ne produit pas une application comme l’on produit une voiture sur une chaîne de production. Chaque projet est différent, on ne sait donc pas automatiser les développements, le facteur humain est par conséquent très important. Votre client paye pour une expertise qu’il n’a pas lui même. Il me semble donc aberrant qu’il puisse vous dicter la façon dont vous allez travailler.

On peut s’imaginer faire appel à un plombier pour réparer une fuite d’eau dans votre cuisine. Vous avez deux options :

  • Pour payer moins cher, n’amenez pas vos outils, je vous fournirai les miens. Résultat, votre pauvre plombier se retrouve avec une clé de 12 et un vieux rouleau d’adhésif pour faire sa réparation. Étant mal équipé, il répare tant bien que mal votre fuite, ce qui lui demande plus de temps qu’à son habitude, et pour un résultat des plus douteux. Bref, la réparation ne tiendra pas et vous devrez faire refaire le travail deux semaines plus tard, ce qui va vous coûter cher.
  • Vous lui faites confiance, après tout c’est un professionnel. Étant parfaitement équipé, le travail est rapidement réalisé et de qualité. Finalement vous n’entendrez plus parler de votre fuite d’eau. Vous avez payé la qualité du service.

N’importe qu’elle personne est capable de comprendre ceci, il suffit juste de le lui faire entendre.

Accepter des exigences de ce genre revient à se tirer une balle dans le pied. Votre travail ne sera pas de la qualité espérée, et votre client ira probablement voir chez la concurrence quand il aura à nouveau besoin d’une prestation informatique. A l’inverse, prôner la qualité vous fera peut-être perdre quelques clients proches de leur argent, mais vous assurera une image de marque grâce à une très grande majorité de vos clients satisfaits et fidélisés.

Pour conclure

J’espère avoir donné quelques éléments pour expliquer l’intérêt des tests unitaires, aussi bien pour vous que pour votre entreprise et vos clients. Si malgré tout vous n’arrivez pas à convaincre, vous êtes toujours libre de passer outre, les résultats finiront par parler d’eux mêmes.

J’ai fait partie de l’équipe qui a introduit pour la première fois les tests unitaires dans mon entreprise. Ce sont les développeurs qui ont pris et porté cette décision. Finalement, le projet s’est révélé être un véritable succès, le suivant également. Les mentalités ont fini par changer, à tel point que tous les projets sont maintenant vendus en affichant clairement ces pratiques.

Enfin, Martin Fowler explique beaucoup mieux que moi tous ces enjeux, notamment au travers de l’intégration continue.

A vous de jouer !

Merci à mes reviewers Ouarzy et Nadège.

Les tests, contre vents et marées

Enseigner le TDD

Cela fait maintenant un an que je travaille comme prestataire pour un grand groupe. Ma mission y est des plus critique. Elle consiste à développer et maintenir l’ensemble des projets utilisés pour la programmation d’objets connectés nécessaires à l’activité de l’entreprise.

Mon équipe est constituée de plusieurs profils : des développeurs, un product owner ainsi qu’un recetteur. Pour répondre à un fort besoin de qualité, les tests, et notamment les tests unitaires, constituent une composante majeure de notre travail. Les développements se font donc systématiquement avec une approche TDD / BDD. Ces pratiques ont été mises en place par l’équipe qui est complètement libre d’un point de vue opérationnel.

Au cours de cette mission, j’ai à deux reprises animé des ateliers d’initiation au TDD. La première était destinée à notre recetteur qui souhaitait participer au développement de ses outils de test. La seconde concernait un nouveau développeur ayant déjà reçu une courte formation, mais qu’il n’a jamais pu (su ?) appliquer par la suite. Ces deux profils étant très différents, les problématiques rencontrées n’ont donc pas été les mêmes, ce qui a rendu l’exercice extrêmement intéressant.

Certains pré-requis

Après plus d’un an passé à l’appliquer sur tous mes projets, le TDD est devenu une habitude pour moi, l’appliquer me semblait simple. Dans un premier temps, j’ai donc pensé qu’il serait simple de l’inculquer. Que nenni !

Lors de mon premier atelier avec notre recetteur, la principale problématique que j’ai rencontré était liée à des questions de design. En effet, celui-ci n’avait jamais reçu de véritable formation, ses connaissances se résumant à ce qu’il avait appris sur le tas. Comme tout débutant (moi le premier à mes débuts), son code souffrait d’un véritable manque d’organisation, il était fortement couplé. Selon mon expérience, le premier pré-requis consiste donc en un minimum de compétences en terme de conception (le sujet porte à débat), ceci pour que le développeur puisse isoler les différentes responsabilités de son code.

Toujours sur des problématiques de design, nous avons ensuite travaillé sur la façon dont les éléments de notre code interagissent entre eux. Je lui ai donc expliqué l’utilisation de l’injection de dépendance. Cela consiste à expliciter ce que va utiliser le code (une fonction, une classe) en injectant les dépendances nécessaires pour son fonctionnement. De plus, pour réduire le couplage, les dépendances sont abstraites grâce à des interfaces (ou des classes de bases). Cette pratique répond au L, au I et au D de SOLID.

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Dans mon exemple, j’explicite que pour calculer un prix, ma classe CashRegister a besoin d’un objet qui respecte le contrat d’interface IBasket. L’usage d’une interface réduisant le couplage, il est facile d’injecter des comportements spécifiques lors de mes tests sans dépendre d’une fonctionnalité annexe.

Une fois que le développeur maîtrise ces concepts, il lui devient possible d’apprendre à écrire des tests unitaires. Dans le cas contraire, il aura du mal à percevoir le fonctionnement du TDD car il aura beaucoup trop de problématiques annexes à gérer.

Donner du sens aux tests : une approche métier

Pour l’apprentissage du TDD en lui même, les difficultés ont été plus grandes pour notre nouveau développeur. En effet, ayant plus d’expérience, il lui a été plus difficile de sortir d’une de ses habitudes : essayer d’apporter une réponse technique à un besoin métier. Que l’on ne se méprenne pas, je parle ici d’un problème de méthodologie.

Très concrètement, lors d’un atelier, j’exprime successivement des besoins métiers en aidant le développeur à appliquer le TDD pour les implémenter. Les besoins évoluent de sorte que le code nécessite un refactoring au cours de l’exercice. A ce moment survient un problème récurent : “Comment vais je coder ça ?” Le développeur n’est pas capable d’écrire son test si il ne sait comment va être écrit son code. C’est là que j’explique l’importance des concepts métiers dans les tests.

Un avantage des tests unitaires est qu’ils documentent le code. Un test spécifie le comportement qu’il valide. Mais ce test n’a finalement pas de réel valeur si il n’explicite pas l’utilité de ce comportement. Par exemple : WhenComputePriceThenReturnValue n’est pas un intitulé très clair. Je calcule un prix, très bien, mais le prix de quoi ? Comment est-il calculé ?

Le même test avec pour nom WhenComputePriceThenReturnSumOfArticlesPriceOfBasket exprime mieux la règle métier testée. Personnellement j’utilise le formalisme proposé par Sandro Mancuso : le nom de la classe et de la méthode de test se lisent comme une phrase.

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Si votre élève commence à se questionner sur la façon dont il peut implémenter, coupez court et recentrez son attention sur la rédaction d’un test explicite.

Maintenant que le test est écrit, le développeur peut réfléchir à comment implémenter. Le test décrit les éléments nécessaires ainsi que leurs interactions, c’est donc la façon dont le code doit être écrit. Au cours de l’exercice, il est donc important de faire attention aux termes que vous allez employer quand vous formulerez un nouveau besoin.

Faire passer un cap

Bien entendu, la maîtrise de cette méthodologie ne s’acquière pas en un simple atelier, seule la pratique le permet. Généralement, il arrive un moment où apprendre le TDD peut devenir décourageant pour le développeur. Parce que cela change ses vieilles habitudes. Parce que c’est une façon de réfléchir qui est fatigante, qui n’est pas encore naturelle, ce qui la rend difficile. Il est donc important d’accompagner le développeur jusqu’à ce que celui-ci soit familier avec le TDD. L’essentiel est de le suivre et de rester disponible pour l’aider quand il en ressent le besoin. Pour cela, des revues de son code (et ses tests) ainsi que des séances de pair programming peuvent être des bons moyens pour l’aider à progresser.

Lors de travail en pair programming avec mon équipe, il nous arrive d’appliquer le ping-pong programming. Nous procédons de la manière suivante : un développeur écrit un test, le second le fait passer puis écrit le test suivant, et ainsi de suite. Cela nous permet de nous challenger et ainsi d’améliorer le niveau de chacun. C’est sans doute la meilleure technique que je peux conseiller pour un travail dans la durée.

Conclusion

L’apprentissage du TDD est un travail quotidien qui nécessite une implication du développeur et un accompagnement pour débuter.

Merci à mes reviewers Ouarzy et Nadège.

Enseigner le TDD